Mairie de La Baume

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1985 - Le messager

du vendredi 12 Juillet 1985

  • Publié : 13 septembre 2021
  • Mis à jour : 25 juillet 2023

.Il règne à La Baume un calme vraiment bucolique que la nature environnante favorise pleinement. Ici, l’home moderne fatigué des rueurs de la ville trouverait certainement le meilleur des palliatifs à ses maux, dans cet endroit qui signifie "grotte" ou "abri sous rocher". Mais les "Baumis", eux, voient dans cette tranquillité une régression : La Baume d’aujourd’hui n’est plus celle d’autrefois.
Un peu d’histoire,
A la fin du XIVe siècle, une bonne partie du territoire de la Baume et de ses hommes appartient encore aux nobles d’Allianges-Coudée à qui les "communiers" de Nicodex passèrent reconnaissance en 1377. Par la suite, l’abbaye de Saint-Jean d’Aulps acquit la totalité du territoires.
En 1573, l’abbé du monastère accorda à un habitant du Biot le droit d’aigage ou droit d’usage de l’eau sur le ruisseau de Nicodex jusqu’à la Dranse, pour l’installation d’un moulin. La paroisse fut séparée du Biot en 1852.
A l’entrée de l’église, une plaque de marbre rappelle qu’elle fut "édifiée par le travail spontané de la population" : "révérend Nicolas-Marin Cathand, né à Cordon en 1795 mort à Sallanches en 1890, fut le premier curé de La Baume de 1852 à 1881. Il donna sa fortune et le travail de ses mains, son zèle et l’exemple de sa vie pour achever l’église et le presbytère, construire les écoles tout réunir la paroisse pour la gloire de Dieu et le bien du peuple".
L’église est un édifice néo-classique à trois nefs, avec une coupole dont les pendentifs sont ornés de peintures représentant les quatre évangélistes. Elle possède un orgue classé par le service des Monuments Historiques. Le clocher primitif était à bulbe. En 1941, il fut détruit par un incendie et remplacé par la tour carré actuelle. Actuellement, la paroisse est desservie par l’abbé Jacques Blanc, originaire de Lugrin, curé du Biot assisté de l’abbé Francis Morand et qui étend également son minitère sur La Vernaz et La Forclaz.


Quand l’élevage était roi

L’agriculture est toujours vivante, mais comme partout, elle a recu les contrecoups et même les coups tout court de la vie moderne. L’élevage, en particulier, lui donna dans le canton un rôle prépondérant. Il reste grosso modo quelque deux cent cinquante bovins dans la commune, mais on ne trouve plus que cinq ou six agriculteurs à plein temps, les autres étant devenus pluriactifs, travaillant à Thonon ou à la société des eaux d’Evian. Trois alpages, le Poisat. Le Pleiney et Seytrouset sont encore fréquentés. Le lait est transporté à la fruitière du Biot que gère la Coopérative agricole de la Vallée d’Aulps.
Félix Muffat, trente-cinq ans, célibataire, conseiller municipal, a, quant à lui une cinquantaine de bovins. Mais, en raison des contraintes, il ne produit pas de lait. Son élevage est uniquement consacré à la présentation de génisses prêtes et à la production de viande. Sa ferme, la "Dimerie" fut à l’origine construit par son grand-père en 1899. Félix Muffat a succédé à son père, mort en 1974, et à son oncle, qui élevait des chevaux. Il a hérité également de leur passion pour les équidés et continu cet élevage pour la vente de poulains.
Dans un autre domaine il faut rappeler que La BAume possède l’un des plus importants ruchers de la Haute-Savoie. L’apiculteur en titre n’est autre que M. Rémi Isnard, maire de la commune qui depuis 1954 s’adonne à l’élevage des "mouches à miel". Quelques trois cents ruches donc pas mal de millions d’abeilles constituent son chaptel volant et butinant, qu’il déplace au gré des floraisons. Le jour où nous l’avons rencontré, ne s’appétait pas à "enmontagner" bon nombre d’essaims destinés à cette transhumance particulière ? Un travail très particulier qui demande du soin, de l’attention, en même temps qu’un matériel de transport approprié à la montagne. Mais M. Isnard aime ses abeilles qui, semble-t-il le lui rendent bien, à l’avoir vu oser sa main à l’entrée d’une ruche sans aucune d’elles ne vienne piquer le "maitre" : "Elles rentrent sa charge de pollen sur les pattes, elles ont donc dû trouver du nectar. Pour s’en rentre compte on saisit une abeille entre les deux doigts, au niveau des ailes et on presse doucement. L’abeille régurgite alors son butin". Emerveillement du profane que nous sommes et qui n’a pas voulu essayé le procédé...

D’autre petites activités artisanales.
Non loin de la place du village, s’ouvre l’un des rares commerces de La Baume. C’est le bar-tabac de Mme Esther Vulliez, aidé de sa fille Marcelle et qui a succédé à sa mère. La maison est ouverte depuis soixante ans ! Il y avait là, aussi une petite épicerie. L’endroit abritait également la cabine téléphonique depuis 1930. On l’a supprimée récemment. On y trouve néanmoins encore Le Messager.
Il y a bien encore un autre petit café, mais il faut connaitre car il n’arbore aucune enseigne, ni celle du "Bon coin", ni celle du "Rendez-vous des chasseurs". Il est tenu par Mme Degrange, que l’on appelle gentiment "La Germaine". Elle en a hérité de son père qui lui-même en avait hérité de son père qui lui-même e avait hérité d’une tante en ...1900 ! Avec ses tables en bois anciennes, il a gardé tout le charme de l’époque. Quelques mètres plus bas, un panneau indique "Miel à vendre". Compte tenu de la profession du maire, on devine que c’est là qu’il demeure. Un tout petit chalet en bois sert de local de vente aux touristes de passage et à tous ceux qui veulent apprécier les grandes vertus de ce produit des plus naturels.
Il y a à La Baume, sur la petite route qui conduit vers la Goutreuse, une scierie qui traite le bois du pays. Elle est gérée par M. Coffy et Menaud, associés en une S.A.R.L. depuis 1953. Planches, chevrons et madriers sont vendus dans la région mais "exportés" également vers Grenoble et le midi de la France. Une entreprise saine mais qui, comme tant d’autres, subit les conséquence de la crise du bâtiment. Mais tant que la scie chante, c’est bon signe...Parmi les artisans, on trouve trois maçons, Félix Coffy, Roger Coffy et Bernard Morand. Il subsiste encore un vrai bucheron, Michel Morallet.
Autre activité qui fit la réputation de La Baume mais qui est en voie de disparition, la fabrication des hottes. Autrefois, des chars descendaient à la foire de Crètes, chargés de dizaines voire de centaines de hotte artistiquement tressées. Mais aujourd’hui, les hottes, one s’en sert plus guère...Et du côté de Nicodex, il n’y a plus qu’un ou deux deux vieux "artistes" qui en fabriquent encore...Ah ! oui, la modernisation a fait mourir bien des choses dans nos campagnes et nos montagnes !
Une activité peu commune est de Mme Isnard qui confectionne des feuilles de cire gaufrée pour les cadres de ruches. La matière première est évidement fournie par les abeilles de son époux. Dans son petit atelier, Mme Isnard fait d’abord fondre de la cire dans une cuve, puis celle-ci est tempérer avant de passer dans un petit laminoir-gaufreur qui la transforme en bandes imprimées puis coupées aux dimensions des cadres de ruches. Mme Isnard est artisane indépendante, travaille donc à son compte et fournit en cire prête bon nombre d’apiculteurs du département.
On ne saurait oublier, dans ce chapitre, l’établissement de pisciculture du pont de Gys qui appartient à l’Association de pêche et pisciculture du Chablais et du Genevois. C’est là le "domaine" de M. Paul Rosset, le responsable, qui en est à sa vingt-troisème année de présences. Ici sont élevés des alevins de truites dans un bassin alimentés par une eau de source à température constante. Ils sont utilisés pour le rempoissonnement des dranses et des ruisseaux dans lesquels quelque deux millions en moyenne sont déversés chaque année.

Pas assez haut, pas assez bas...
La commune de La Baume a un budget global de 1.650.000 F réparti en 1.323.000 F de fonctionnement et 327.000 F en investissement. Le personnel communal comprend deux ouvrier d’entretien, Eugène Vulliez et Jean Coffy, deux jeunes du pays qui s’occupent des routes et exécutent des innombrables travaux les plus divers : petites constructions, réparations, aménagement, déneigement etc...
Il y a également une secrétaire de mairie, Mme Morallet, qui, au moment où paraitront ces lignes aura cessé ses fonctions car elle doit être remplacé le 1er juillet par Mme Monique Isnard : c’est la relève inexorable d’une génération par l’autre...
Construite en 1975, la mairie avec les tracteurs des agriculteurs, est le signe de modernisme. Elle abrite les bureaux, une salle de réunion, une salle des fêtes et les garages des véhicules municipaux. Bien qu’il n’y ait pas de société constituée, c’est à la mairie que se réunissent périodiquement les personnes du troisième âge et elles sont relativement nombreuses. Seuls les chasseurs de la commune sont groupés en une association que préside M. Gilbert Morand.
Sur le plan des travaux on procède actuellement au renforcement du réseau électrique des divers secteurs.
Et le tourisme ? Pas beaucoup d’atout dans ce domaine. Aucun hôtel et quelques meublés seulement. Ajoutons y aussi des résidences secondaires dans de vieilles maisons restaurées. Les habitants se plaisent à La Baume et les gens sont sympathiques, mais comme nous a dit un jeune du pays "ici c’est trop loin du Léman, donc trop haut, mais c’est trop bas pour tirer profit des sports d’hiver". Certes, La Baume fait partie de l’association des communes du Roc d’Enfer qui se propose de mettre en valeur pour la pratique du ski des domaines entourant le Roc d’Enfer. Il fut un temps où l’on pensa créer une petite station à Seytrouset, quelque mille six cents mètres d’altitude. Mais le projet était vraiment trop coûteux malgré l’aisance relative de la commune. Pour goûter quand même un peu de tourisme, il a été décidé d’acheter à EDF, les bâtiments du barrage du Jotty pour y installer un camping-caravaning. L’idée est excellente tant, en effet, les bords de l’eau attirent particulièrement ce genre de touristes. Le cadre de montagnes aidant ce genre d’activité devrait connaitre le succès, d’autant plus qu’en la matière, les emplacements sont relativement peu nombreux dans le coin. Ajoutons qu’à La Baume deux gites ruraux et que trois autres sont prévus dans le courant de l’année.

La chute démographique, souci majeur du maire.
Comme tant d’autres petits villages de montagne, La Baume souffre d’une maladie grave : une hémorragie de sa population. Au début du siècle plus de six cents habitants étaient répartis au chef-lieu et dans les hameaux. Les enfants étaient nombreux. Si l’on se réfère aux derniers recensement, on trouve 258 habitants en 1962, 214 en 1968, 179 en 1975. Actuellement, tout juste 165 vivent en permanence à La Baume et certains hameaux n’en comportent plus qu’une dizaine. En 1984, la mairie a enregistré une naissance, deux mariages et deux décès. On le voit, les chiffres parlent d’eux-mêmes. La dénatalité s’ajoute au départ des jeunes et la moyenne d’âge des Baumis atteint cinquante-cinq ans.
Tout cela se ressent dans la population scolaire qui va, elle aussi, diminuant. L’école, une classe unique, où exerce Mlle Genoud, n’a plus que dix-sept enfants. On comprend le souci du maire et de ses édités qui voudraient bien retenir ici les jeunes couples par tous les moyens, mais lesquels ?
Il fut reconnaitre que pour la ménagère, la tache n’est pas toujours aisée. Il faut aller au Biot, voir descendre à Thonon pour aller s’approvisionner. Et puis, l’obligation des emploies aidant, la tentation de la ville est bien grande. Si les jeunes ont repris le flambeau des anciens d’autres tout en aimant bien leur village, veulent "mieux vivre" ailleurs. Peut-on le leur reprocher ?

. Célestine Requet est la doyenne de la commune. Elle est née en août 1898 et n’a jamais quitté son village ni la maison paternelle. Il est vrai, nous a-t-elle précisé, qu’elle n’a pas trouvé de mari à son pied. Elle n’est mariée avec sa terre et lui est restée fidèle.
Malgré la baisse de population, La Baume conserve l’espoir de trouver un jour une solution. "Ce n’est pas aisé" dit le maire. C’est vrai. Mais il est dans la vie des retournements inattendus. Alors, pourquoi pas ?

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